Fourbure
Anatomie du pied
Le pied du cheval est constitué de la troisième phalange (os) et de la boite cornée (sabot) qui l’entoure. Contrairement à ce que beaucoup de gens croient, la troisième phalange n’est pas en appui sur le fond du sabot ; elle est suspendue dans la boîte cornée grâce à un système de deux lamelles accrochées l’une à l’autre à la manière d’un « velcro », l’une des membranes étant collée à la troisième phalange (le podophylle) et l’autre étant collée au sabot (kéraphylle). Ce système est en temps normal très solide et supporte plusieurs dizaines de kilo au niveau de chaque pied, voire plus en mouvement, en particulier en réception d’obstacle (jusqu’à une tonne par pied).
Que se passe-t-il en cas de fourbure ?
Lors d'une fourbure, l’inflammation provoque un désengrènement des deux lamelles qui ne sont plus solidement fixées l’une à l’autre. En raison du poids que supporte la troisième phalange, celle-ci se détache progressivement de la boite cornée et « descend » dans le sabot. La partie antérieure (à l’avant du pied) est en général touchée en premier : la troisième phalange se détache donc à ce niveau et « plonge » vers l’avant. Dans les cas les plus graves, le désengrènement se produit sur tout le pourtour de la phalange et la troisième phalange descend alors toute entière dans le sabot.
Quelles sont les causes de fourbure ?
La fourbure n’apparaît jamais seule, il y a toujours une cause, plus ou moins facile à identifier.
Les causes mécaniques
La fourbure peut être déclenchée par une activité physique intense et prolongée sur sol dur. Les chocs répétés sont alors responsables de l’inflammation. On parle de fourbure d’exercice et cette cause est plus fréquente chez les chevaux d’endurance.
La fourbure peut également être causée par une surcharge chronique. C’est par exemple le cas lors de fracture d’un membre : pour soulager le membre blessé, le cheval reporte son poids sur le membre controlatéral qui peut déclarer une fourbure. On parle alors de fourbure d’appui.
Les causes alimentaires
Ce sont les plus connues. Elles sont dues à un déséquilibre de la flore intestinale suite à un changement brusque d’alimentation (augmentation des sucres) que ce soit par l’apport anormal de céréales (le cheval s’échappe et mange un sac de grain dans la nuit) ou par une mise à l’herbe trop rapide (sucres solubles contenus dans l’herbe de printemps). La flore intestinale n’a pas le temps de s’adapter à cette nouvelle alimentation et les aliments fermentent dans l’intestin et libères des substances toxiques qui influent sur la vascularisation du pied.
Les maladies graves
La fourbure peut être une complication de nombreuses maladies graves incluant les coliques graves, les métrites (infection de l’utérus), les pleuropneumonies ou les diarrhées sévères. Dans ces cas-là, des molécules toxiques passent dans le sang et provoquent une réaction inflammatoire généralisée (endotoxémie) qui a des répercussions sur la vascularisation du pied.
Les maladies endocriniennes
Longtemps méconnues, on pense désormais qu’elles sont la cause la plus fréquente de fourbure. Les hormones sont des molécules sécrétées par un organe du corps et qui agit sur un, ou le plus souvent sur plusieurs, autres organes. Lors de dérèglement hormonal (ou maladie endocrinienne), les hormones sont sécrétées en trop grande ou trop faible quantité et cela a des conséquences variées. Les deux maladies endocriniennes les plus fréquentes chez le cheval sont le syndrome de Cushing et le syndrome métabolique.
Le syndrome de Cushing est très fréquent chez les chevaux âgés (plus de 15 ans). Il provoque plusieurs symptômes dont les plus évidents sont la fonte musculaire (perte de muscle sur la ligne du dessus et gros ventre) et l’hirsutisme (poils longs parfois frisottés qui ont du mal a tomber au printemps). Le cushing provoque également souvent une fourbure chronique avec des accès de douleur. Cette maladie est facile à diagnostiquer à l’aide d’un dosage hormonal (dans le sang) et il existe un traitement efficace qui doit néanmoins être administré à vie et qui n’est pas autorisé en compétitions.
Le syndrome métabolique ressemble au diabète de type 2 chez l’homme : les cellules du corps perdent leur sensibilité à l’insuline et ne savent plus utiliser le glucose correctement. Ces chevaux ont également tendance à faire de la fourbure chronique avec des accès de douleur. Ce syndrome se rencontre essentiellement chez les chevaux en surpoids. Le traitement passe essentiellement par une perte de poids et un exercice régulier.
Quels sont les signes de fourbure ?
Excepté dans la fourbure d’appui, le problème touche en général les 4 pieds avec une atteinte plus sévère sur les antérieurs (car ils supportent à eux deux les deux tiers du poids du cheval). Le premier signe est donc en général une allure étriquée (le cheval fait des petit spas) puis une difficulté à se déplacer (on dit que le cheval « marche sur des œufs ») surtout sur sol dur. Avec l’aggravation de la douleur, le cheval peut refuser de se déplacer ou de donner un pied. A l’arrêt, le cheval adopte une position campée caractéristique qui a pour but de limiter la douleur en reportant le poids du corps sur les postérieurs (position antalgique). Enfin, lors de douleur trop intense, le cheval se couche et refuse de se lever.
Le cheval atteint de fourbure peut également montrer d’autres signes liés à la douleur : perte d’appétit, isolement du groupe, tremblements, sudation, augmentation de la fréquence cardiaque et de la fréquence respiratoire.
Il est possible de noter une chaleur anormale des pieds à la palpation et un pouls digité (pulsation du sang dans les artères qui irriguent le pied) augmenté. Il est également possible de sentir une dépression au dessus du bourrelet coronaire. Lorsque la phalange bascule, sa pointe vient appuyer en regard de la pointe de la fourchette et ce point devient très douloureux. Si la fourbure n’est pas contrôlée, la troisième phalange peut percer la sole et le cheval peut même parfois perdre son sabot. Le pronostic est alors très sombre.
Lors de fourbure chronique, on peut noter une modification de la forme du sabot (la paroi devient concave) et des stries horizontales caractéristiques sur la corne.
Comment diagnostiquer une fourbure ?
Les signes cliniques de fourbure sont assez caractéristiques. Néanmoins pour confirmer le diagnostic et évaluer la sévérité de la fourbure, la radiographie est très utile. Elle permet d’observer si la troisième phalange a basculé vers l’avant ou si elle est descendue dans la boîte cornée, et la sévérité de ces changements (mesures d’angles et d’épaisseurs de corne). Elle permet également de suivre l’évolution de la condition. Un phlébogramme est un examen plus poussé qui permet de visualiser le réseau vasculaire du pied.
Comment traiter une fourbure
La fourbure étant le plus souvent la conséquence d’une autre affection, il est primordial de rechercher et de traiter la cause primaire.
Il n’existe pas de traitement spécifique à la fourbure. Le but du traitement en cas de fourbure aiguë est
- de contrôler la douleur
- de limiter l’aggravation
Pour cela, on administre généralement des anti-inflammatoires non stéroïdiens pour calmer la douleur. Il est également conseillé de mettre les pieds dans la glace (cryothérapie) à l’aide bottes spéciales équipées d’un système de refroidissement, ou à défaut à l’aide de sacs de glace pilée que l’on remplace régulièrement. Le cheval est confiné dans un espace confortable avec une litière profonde. Il est recommandé de ne pas déplacer le cheval en phase aiguë.
De même, il est recommandé de ne pas déférer le cheval en phase aiguë. Il est en revanche possible de soulager les contraintes sur la 3ième phalange en soulevant l’arrière du pied avec des talonnettes.
En cas de fourbure chronique, la gestion passe essentiellement par la maréchalerie et le traitement de la maladie endocrinienne le cas échant.
La fourbure est donc une affection grave qu’il convient de prévenir lorsque cela est possible. Pour cela, une détection précoce et un traitement des maladies endocriniennes (fréquentes chez les vieux chevaux notamment) sont recommandés.
Dr Julie DAUVILLIER, Vétérinaire