La maladie naviculaire

La maladie naviculaire est une pathologie redoutée des cavaliers et propriétaires de chevaux. A l’origine de boiteries chez le cheval, elle conduit souvent à une mise à la retraite prématurée. Les causes de cette maladie sont multiples et ne sont pas totalement élucidées.

Même si le terme de maladie naviculaire est couramment employé dans le monde du cheval, le terme plus exact est "syndrome podotrochléaire". Ce terme correspond à une douleur dans le pied, en regard des talons.

L'os naviculaire peut être à l’origine de cette douleur mais les structures qui l'entourent également (tendons, ligaments, bourse). Ces structures constituent l’appareil podotrochléaire et peuvent chacune être à l’origine de la boiterie.

On parle alors de « syndrome » car indépendamment du fait que les symptômes de la maladie se ressemblent, les causes de la maladie naviculaire sont multiples et dans la plupart du temps, inconnues.

Nous connaissons cependant les facteurs prédisposant à cette maladie : la race du cheval (les chevaux de sport sont majoritairement atteints), la conformation des pieds du cheval (pince longue et talons fuyants), la suralimentation pendant la croissance, le travail excessif en fin de croissance ou encore une prédisposition familiale. On trouve aussi des facteurs aggravants de la maladie tels que le travail sur un terrain irrégulier, dur, la répétition de charges importantes (réception lors des sauts) ou encore un parage et/ou une ferrure inadaptés.

Les chevaux avec des douleurs localisées à l’os naviculaire présentent en général une boiterie intermittente, plus marquée sur sol dur, pouvant être présente sur les deux antérieurs. La boiterie est généralement aggravée en début de travail et le lendemain d’un travail important. Les propriétaires peuvent parfois constater une baisse de performance, un cheval se déplaçant avec de petites foulées et qui rechigne à tourner serré.

Au repos, lorsqu’un seul membre est atteint, celui ci est souvent porté en avant pour soulager la région naviculaire. Progressivement, cette posture provoque un rétrécissement du pied atteint ainsi qu’une augmentation de la taille des talons.

Le diagnostic du syndrome podotrochléaire se fait en deux étapes : un examen orthopédique permet de localiser la boiterie, puis l’imagerie permet d’en déterminer son origine.

Plusieurs tests mécaniques permettent d’aider au diagnostic d’une boiterie localisée dans le pied :

  • Le test de la pince consiste à exercer une pression sur le pied avec une pince spécifique afin de localiser une potentielle zone douloureuse. Le test est positif si le cheval exerce un retrait de son pied suite à la pression de celle-ci.  Ce test est souvent positif au niveau des talons chez un cheval atteint d’un syndrome podotrochléaire ;
  • Le test de la planche consiste à placer le pied du cheval a plat à l’extrémité d’une planche. Un opérateur tient l’autre membre levé pendant qu’un second lève progressivement la planche jusqu’à un angle d’environ 40° par paliers. Le test est positif si le cheval, ressentant une douleur, cherche à descendre de la planche. Chez un cheval atteint d’un syndrome podotrochléaire le test de la planche est positif dans la majorité des cas ;
  • Les flexions des articulations dites « distales » consistent à mettre en flexion le membre pendant 45 secondes à une minute, puis à faire trotter le cheval. La flexion est dite positive si la boiterie est accentuée après la mise en flexion des articulations. Dans une grande partie des cas, un cheval atteint d’un syndrome naviculaire présente une flexion des articulations du bout du membre positive;
  • Enfin, pour localiser avec précision la boiterie, on peut avoir recours à une anesthésie dite « digitale distale » : on réalise une anesthésie locale du pied, puis on refait trotter le cheval. Dans le cas d’un syndrome podotrochléaire, l’anesthésie digitale distale élimine la boiterie dans 80 à 90% des cas.

Le diagnostic est ensuite précisé par radiographie. Pour la réalisation des clichés radiographiques, la préparation du pied est importante et  il peut être nécessaire de déferrer le cheval. Les clichés sont réalisés dans plusieurs orientations afin de bien voir l’os naviculaire et l’articulation entre la seconde et la troisième phalange.

Plusieurs anomalies peuvent être visualisées à la radiographie : l’apparition de petits fragments d’os au niveau de l’insertion des ligaments sur l’os naviculaire (forme dite ligamentaire de la maladie), la présence de zones radio transparentes, ou fossettes, sur le bord distal de l’os (forme dite articulaire de la maladie), l’augmentation ou la diminution de la densité de l’os (forme dite osseuse de la maladie), ou encore des lésions sur la surface de l’os en contact avec le tendon fléchisseur profond (forme dite tendineuse de la maladie).

Parfois, on peut observer plusieurs de ces anomalies radiographiques en même temps, et l’absence d’anomalies radiographiques ne signifie pas que l’origine de la douleur ne vient pas de l’os.

Pour encore préciser le diagnostic et notamment dans les cas d’atteintes du tendon fléchisseur profond dans le pied ou de la bourse naviculaire, on peut aussi utiliser l’échographie.  

Depuis peu, l’imagerie par résonnance magnétique (IRM) est devenue la meilleure méthode de diagnostic et l’examen de choix. Elle permet la réalisation de plusieurs séquences d’images et une évaluation précise des tissus mous, et des os dans le pied.

Le traitement du syndrome podotrochléaire varie en fonction de la cause de celui-ci. Cependant lorsque l’os est atteint il est alors palliatif et non curatif. Il doit être adapté à chaque cheval, en fonction de son utilisation, du souhait de son propriétaire et de l’étendue des lésions diagnostiquées.

Pour les chevaux avec une boiterie importante, une période de repos et un traitement à base d’anti-inflammatoires seront mis en place.

Le travail du cheval devra être adapté et contrôlé : bonne période d’échauffement au pas, travail en terrains souples et homogènes, et travail en ligne droite en limitant les virages serrés.

Un des aspects important du traitement de la maladie est la mise en place d’un parage et d’une ferrure adaptés : cette dernière doit réduire au maximum le travail du pied (favoriser le roulement, alléger le pied) et diminuer les traumatismes sur la région du talon.

Il faut donc essayer de tronquer le pied en pince et de mettre en place un fer avec un arrondi en pince (rolling), protéger les talons et dans certains cas les surélever légèrement pour diminuer la pression exercée par le fléchisseur profond sur l’os naviculaire. Plusieurs fers différents peuvent être utilisés (egg bar shoe, natural balance shoe, fer à oignon ou à l’envers…) mais les causes de la maladie étant multiples, il faut traiter chaque cheval comme un cas particulier et trouver la ferrure qui lui correspond.

De nos jours, on peut également avoir recours à des thérapies régénératives, ainsi qu’à des injections intra articulaires d’antiinflammatoires.

Avec la mise en place d’un travail et d’une ferrure adaptés, on obtient en général une résolution des symptômes cliniques dans la moitié des cas. Mais ce pronostic varie avec le type de pathologie et les lésions diagnostiquées.

Dr Sara Marcelin DMV, Dr Pierre Trencart DACVS, DECVS